vendredi 6 février 2015

"Uglies"


Uglies T.1, Scott Westerfeld, 
éd. Pocket Jeunesse, dès 12 ans.


Imaginez: quelque part dans le futur, les hommes tels que nous les connaissons (les "Rouillés"), n'existent plus. En malmenant leur planète, ils se sont autodétruits. Ils n'ont laissé que des ruines carbonisées derrière eux. La nature a repris ses droits sauf en quelque enclaves, les "villes", où la technologie et le contrôle des individus dominent. Sous prétexte que les inégalités physiques ont provoqué les injustices et les guerres du temps des Rouillés, les Autorités offrent à tous les ados une chirurgie esthétique intégrale obligatoire le jour de leur 16 ans. Jusque là, ils resteront "uglies", c'est-à-dire normaux, ou plutôt, comme ils l'ont bien appris à l'école, "moches" et ils resteront enfermés dans "Uglyville". Tous leurs rêves et espérances sont représentés par "New Pretty Town" où ils pourront faire la fête nuit et jour une fois qu'ils seront rendu "pretties". Ils seront enfin heureux. D'ailleurs, on n'a jamais entendu un Pretty se disputer, enfreindre les règles ou prendre des risques! Et si..., hypothèse absurde, bien sûr, mais... et si une jeune fille de 16 ans ne voulait pas devenir pretty, et si la beauté parfaite et le bonheur absolu étaient en fait les appâts d'une gigantesque manipulation d'Etat?

Ce roman est le premier d'une série de 5 tomes: Uglies, Pretties, Specials, Extras et Secrets. Uglies a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire 2008 en catégorie jeunesse et c'est hautement mérité. D'ailleurs, si j'avais une adolescente à la maison, je m'arrangerais pour lui mettre ce roman entre les mains. L'écriture est fluide, bon découpage, bon suspens, amitié, premier amour, ce qu'il faut d'aventure... Nous rentrons véritablement au cœur de cette utopie vue par les yeux de Tally, notre jeune héroïne. Ce roman nous pousse vraiment à nous interroger sur nos priorités, sur notre relation à nous-mêmes, à notre corps, à notre image, sur notre relation aux autres, à la société, à la consommation, à notre passé et à la nature. Nous prenons conscience du bourrage de crâne médiatique, de la difficulté à voir la beauté qui est en nous face à cette tyrannie de l'image, mais aussi de la frontière entre surveillance, sécurité et intrusion voire violation de l'individu. Cette utopie pourrait être la nôtre et l'événement qui a mis fin au règne des Rouillés pourrait être pour demain. Dans ce cas, succomberiez-vous à la perfection?