lundi 12 janvier 2015

"Mère Méduse"


Mère Méduse, Kitty Crowther, 
éd. L'école des loisirs, coll. Pastel, dès 4 ans.


Aaah, Kitty Crowther...parler de sujets difficiles aux enfants (et à leurs parents) avec toujours autant de délicatesse. Son dernier album, Mère Méduse, parle d'un amour maternel exclusif et étouffant, et de la force du corps parental. Comme dans L'enfant racine et Annie du lac, l'auteur nous présente une femme enfermée psychiquement et physiquement qui, grâce à une rencontre, va connaître une remise en question, une libération et un retour à la Vie.
Méduse est une femme recluse, solitaire et farouche qui va donner naissance à une petite Irisée. Pas de père en vue, encore moins de mari, le vrai couple, c'est celui que Méduse forme avec sa fille. Elle l'enveloppe d'un amour dévorant que symbolise son immense chevelure, vivante telles des tentacules qui emprisonnent avec douceur la petite Irisée. La chevelure de Méduse prolonge le cocon utérin, "Tu es ma perle, je serai ton coquillage" murmure-t-elle à l'enfant. Les cheveux sont le symbole de la force, de la force que prend ce lien mère-fille. Tant que ceux de Mère Méduse prendront toute la place et constitueront ainsi le seul univers de l'enfant, la force vive d'Irisée est rendue muette: Irisée est "bâillonnée des cheveux", ceux-ci restant enserrés dans son petit bonnet à pois


Méduse n'est pas un monstre, elle veut être une bonne mère pour sa fille, elle veut la protéger, l'enseigner. Elle lui donne tout ce qu'elle peut. Cette éducation, dans un monde que Méduse voudrait se voir résumer à deux personnes, apprend énormément de choses à Irisée sauf l'essentiel: devenir elle-même, c'est à dire se détacher. Non, Méduse n'est pas un monstre et devant la tristesse de sa fille et son désir d'aller vers l'autre, elle est capable de relâcher le lien pour permettre à son enfant de voler de ses propres ailes. Elle a donner la vie à Irisée, ce qui ne veut pas dire que cette vie lui appartient. Par amour vrai, celle que la petite fille a toujours appelé "Mère Méduse" renonce à ses cheveux, libérant ainsi pour la première fois ceux de sa fille et devenant dans la bouche d'Irisée une "maman".