mercredi 24 septembre 2014

"Gladys et Vova"


Gladys et Vova, Emmanuelle Caron, 
éd. L'école des loisirs, coll. Médium, dés 13 ans.



Après avoir vécu trente ans à Paris, l'auteure s'installe au Canada où elle enseigne la littérature, anime un club de théâtre dans un lycée et écrit des poèmes qui sont publiés au Québec. Une amoureuse des mots, donc, et ça se sent. Gladys et Vova est à mon sens un grand roman. Il s'inscrit dans la veine des contes réalistes d'un Balzac ou d'un Maupassant et nous parle de la  rédemption par le théâtre. L'écriture est forte, directe et le vocabulaire soutenu (raison pour laquelle je ne le conseille pas avant 15 ans). Gladys et Vova sont des jumeaux qui, après une petite enfance belle et sauvage auprès de leur grand-mère, se retrouvent seuls et sont placés dans un orphelinat du Caucase. Chacun d'eux réagit à la privation, à la misère et à la maltraitance comme il le peut: Gladys, la blonde séduit par sa douceur et sa grâce et s'invente un monde parallèle qu'elle se raconte chaque soir. Vova, tout sec, la boule à zéro, devient caractériel, rebelle, taiseux, un bloc de pierre en révolte. Malgré leurs dissemblances, les jumeaux sont aussi inséparables qu'indispensables l'un à l'autre. Puis, il y a la rencontre avec une marionnettiste et l'espoir qui fait son nid. Puis, il y a le scandale des orphelinats russes et l'adoption qui s'ouvre aux pays européens. Gladys séduit les Baldessari, richissimes parisiens, qui la recueillent elle et son frère. C'est là que l'horreur commence vraiment. Vova est haï et exploité comme un esclave sans nom. Gladys vient prendre la place d'une petite fille morte et est choyée jusqu'à la folie par une mère qui la traite comme sa poupée, sa marionnette. Trop aimer, aimer jusqu'à ce que l'autre s'oublie, ne soit plus qu'un corps, un objet. Et enfin, le théâtre et la résilience. Un roman magnifique, dur et plein d'espoir pour les abîmés de la vie.